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Chroniques Imparfaites le blog d'eric bouillon

17 octobre 2014

Fouché "Les silences de la pieuvre" de Emmanuel de Waresquiel (Ed Tallandier/Fayard 2014 882P)

fouche-les-silences-de-la-pieuvre,M169388la vie de Fouché est extraordinaire, un véritable roman.. dans cette biographie de Emmanuel de Waresquiel y on apprend tout des arcanes secrètes et nauséabondes du pouvoir, du Jacobinisme révolutionnaire à l'empire, en passant par le consulat et le directoire. Fouché prêta 8 fois serment de fidélité à 8 régimes différents, mais il fût surtout un homme politique aux conceptions résolument modernes, Jacobin, massacreur de la population Lyonnaise, pourfendeur de Robespierre, ayant amassé un fortune colossale durant l'Empire - figure contradictoire, ambivalente mais surtout emblématique de cette période fascinante de l'histoire de France.

Emmanuel de Waresquiel connaît bien cette époque puisqu'il fut deja l'auteur d'une oeuvre couronnée par de nombreux prix à propos de Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord (Talleyrand : Le Prince immobile, Fayard,‎ 2003 ), il lui manquait, après le "vice" et afin de parfaire ce dyptique révolutionnaire, d'écrire à propos du "crime", car c'est ainsi que Chateaubriand fit la description (dans les mémoires d'outre-tombe) d'une rencontre mémorable entre Fouché et Talleyrand au moment où ce duo emblématique allait prêter serment à Louis XVIII en 1815 à l'issue de l'aventure des 100 jours: "Tout à coup une porte s'ouvre: entre silencieusement le vice appuyé sur le bras du crime, M. de Talleyrand marchant soutenu par M. Fouché ; la vision infernale passe lentement devant moi, pénètre dans le cabinet du roi et disparaît. Fouché venait jurer foi et hommage à son seigneur ; le féal régicide, à genoux, mît les mains qui firent tomber la tête de Louis XVI entre les mains du frère du roi martyr ; l'évêque apostat fut caution du serment".

Le XIXéme siècle s'est emparé du personnage de Fouché par l'intermédiaire des romanciers notamment, qui pour la plupart en feront un individu sans scrupule, froid, redoutable, perfide, certains y verront même l'incarnation fait homme des futurs états totalitaires qui essaimeront au XXéme siècle.. il fallait bien cela pour un personnage aussi secret, ministre de la police sous le consulat et l'empire, Jacobin massacreur de la population Lyonnaise et "tombeur" de Robespierre au 9 thermidor - l'interêt et non des moindre de ce tout récent ouvrage d'Emmanuel de Waresquiel est de rétablir certaines vérités: on y découvre certes un personnage obnubilé par le pouvoir, un Jacobin sans état d'âme, mais surtout un homme politique d'une étonnante modernité, un pére et un mari affectueux et aimant, un homme qui comptait dans son entourage des amis et des alliés indéfectibles, fidèles jusqu'à la mort, bref une figure par certains aspects souvent éloignée de l'image d'épinal que l'on a faite de lui (souvenez vous du personnage de Javert de victor Hugo), un pragmatique doué pour le double jeu et la politique, un cynique bien sur mais aussi un visionnaire, un homme qui avait une conception très avancé de l'Etat, qui connaissait l'importance de l'opinion publique, inventeur du passeport entre autre, il savait qu'un république assagie avait avant tout besoin d'ordre sans lequel aucune liberté n'était à même d'exister et de cohabiter, et surtout l'idée que la nécessité pour un état démocratique, vivant, de fait, dans la transparence, serait de cultiver des secrets sans lesquels il s'effondrerait.. (une idée flagrante de nos jours dans nos états démocratiques) Fouché savait également que le processus serait long à s'affirmer, l'histoire le montrera. Malgré les ambiguïtés du personnage, ses contradictions, ses mensonges, malgré des attitudes se formant au gré des circonstance (il fallait bien durer !)  il y avait en lui un véritable républicain qui possédait dans son âme (forcément noire) une conception politique réelle, conceptions qui étaient en avance pour l'époque et qui furent en un sens radicalement prophétiques.

C'est aussi cela que montre cet ouvrage captivant, qui nous fait également vivre les relents de "l'histoire", de ces histoires secrètes qui font la "grande" histoire officielle, la police et ses bas fonds abyssaux, les trafics d'argent et d'influence en tout genre, la concussion quasi généralisée du personnel politique de l'époque, un marais sans fond par lequel et dans lequel peut à peut une nouvelle nation s'est édifiée. un livre remarquable.

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19 juillet 2014

Pierre SINIAC - Femmes blafardes (Ed Payot & Rivages - 1981 + 1997)

siniac 2Voici l'un des ouvrages les plus connu de Pierre siniac. Cette chronique sarcastique d'une ville de province dans laquelle sévit un serial killer étrangleur de femmes, est parut en 1981. Siniac en profite pour régler ses comptes avec la bourgeoisie de province bon chic, bon genre, celle qui à pignon sur rue, souvent médiocre et prétentieuse, celle des cancans et des ragots, celle qui exerce un pouvoir monstrueux et hypocrite sur le bas peuple des faubourgs, le tout dans une ambiance étrange ou la narration strictement policière ne le cède en rien à une atmosphère mystérieuse, surréaliste, diluée d'une main de maitre tout le long de l'ouvrage; une ambiance à la Chabrol presque. Un roman jubilatoire et sans conteste l'un des plus aboutit de l'auteur: personnages grotesques et attachant, ambiances macabres, glauques, un roman qui tient autant de la tradition réaliste que de la veine fantastique, on est pas sans penser à un livre de Marcel Aymé - Pierre Siniac, admiré par J.P.Manchette à été l'un des grands rénovateurs du polar Français, ce "Femmes Blafardes" est à découvrir absolument.

17 juillet 2014

Pascal DESSAINT - Bouche d'ombre (Ed Payot - Rivages - 1996)

dessaint1Première lecture de Pascal Dessaint, tout à fait au hasard des rencontres et de l'instinct (pas forcément très aiguisé parfois) que connaissent les lecteurs quand ils pénètrent dans une librairie. Je crois que c'est le titre avant la lecture du résumé au dos du livre, qui m'a d'emblé séduit, on ne dira jamais trop l'importance d'un bon titre qui ferra ou ne ferra pas l'adhésion avec l'éventuel lecteur et ce en quelques secondes.

Voilà un écrivain au style très concis, phrases brèves, sans pathos ni longueurs rebutantes, comme je les admire. "Bouche d'ombre" est une histoire à trois voix qui alternent d'un chapitre à l'autre avec au centre un personnage (Daniel) en lien avec ces protagonistes et dont on devine le destin funeste, personnage principal qui vient hanter les pages comme un fantôme qui révèle peut à peut sa perversité et la fascination (parfois morbide) qu'il suscite; point d'orgue, derrière cette figure se cache probablement un criminel.. c'est du moins ce que l'on croit jusqu'au dénouement final (dont je ne révélerais rien!) - une construction implacable et un roman très souvent introspectif qui visite les obsessions de quatre personnages inéluctablement et fatalement liés entre eux. "Bouche d'ombre" vaudra à Pascal DESSAINT  le Prix Mystère de la critique l'année de sa parution et c'est amplement mérité, car si l'intrigue est en elle-même nimbée de mystères, c'est une exploration audacieuse des âmes humaines à laquelle se livre l'auteur, une exploration nécessairement... mystérieuse, au goût d'innachevé, mais peuplée de crimes, de manipulatons et palpitante jusqu'au bout - en filigrane la ville de Toulouse où habite Pascal DESSAINT et dans laquelle il à pour habitude de situer l'action de ces romans.

Une écriture ciselée, efficace, travaillée, bref.. une bien belle découverte qui m'a d'ailleurs incité à me procurer un autre livre de cet auteur - un excellent livre.

11 juillet 2014

Pierre SINIAC - L’Orchestre d'enfer (Ed Payot & Rivages - 1977)

siniac1j'ai découvert Pierre Siniac (1928 - 2002) en lisant les très intéressantes conversations de François Guérif dans "Du polar: entretiens avec Philippe Blanchet" paru en 2013; auparavant ce nom m'était totalement inconnu ou presque, car, sans le vouloir j'avais deja lu l'adaptation (magistrale) qu'en avait fait Jacques TARDI avec "Le Secret de l'Étrangleur" inspiré de "Monsieur Cauchemar" ouvrage sortit en 1960.

Pierre Siniac reste quand même un auteur relativement méconnu et oublié de nos jours, et c'est fort dommage. Véritable Stakhanoviste des lettres il aura publié une bonne quarantaine de livres dont "Les Morfalous" adapté au cinéma par Verneuil (rehaussé à la sauce Michel Audiard) en 1984, soit 16 ans après sa sortie dans la prestigieuse collection "Série-noire". Ce retard, ce décalage entre les publications de Pierre Siniac et l'écho qu'elle rencontreront dans le temps c'est un petit peut ce que j'appelerais le "syndrome Siniac".. il ne connaîtra quasi systématiquement une forme de reconnaissance que tardivement. Lui qui débuta une prometteuse carrière d'écrivain (fortement influencée par L.F.Celine) à partir de 1958 (et sous quelques pseudonymes), il lui faudra attendre 20 ans avant de remporter le Grand Prix de la littérature Policière pour 3 ouvrages d'un coup, ni plus ni moins ! (un roman débridé et délirant signé Jean Goujon "Aime le Maudit", un autre signé Siniac "L’Unijambiste de la cote 284" et un receuil de nouvelles d'une beauté crépusculaire "Reflets changeants sur mare de sang").

Mais Pierre Sinaic c'est aussi la création d'une série complètement déjanté, unique dans le ton et l'intrigue: la série des "Luj Inferman' & La Cloducque", série en 7 volumes qu'il faut absolument découvrir ou re-découvrir afin de goûter au style innimitable de ce grand écrivain.

Dans "L'orchestre d'Acier" Siniac reprend les ingrédients qui auont fait le succès des "Morfalous, l'intrigue se situant cette fois ci en 1944 dans les Vosges. Profitant de la débâcle Allemande face à l'irrésistible avancée des Armées Leclerc et du chaos ambiant, un gang improvisé, constitués d'individus peut fréquentables, droits commun, anciens collabos et/ou néo-résistants de la dernière heure se constitue afin de subtiliser un sac de diamants en possession d'un colonel SS. Un thème souvent abordé par Siniac (notamment dans "Sous l’aile noire des rapaces" dont l'action se situe cette fois-ci lors de la débâcle de 1940). Ce n'est peut-être pas l'un des romans majeurs de Siniac, sans doute une commande, mais le sens de l'intrigue, un ton résolument inimitable font de ce livre un grand plaisir de lecture; un roman de Gare dans le bon sens du terme auquel on ne décroche pas. Un bon Siniac.

 

 

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